Syndrome de maldirection de l’humeur aqueuse (Aqueous Humor Misdirection Syndrome, AHMS) chez le chat

Présentation

Le syndrome de maldirection de l’humeur aqueuse (AHMS), aussi appelé « glaucome malin » chez l’homme est une cause de glaucome chez le chat âgé. Le mécanisme repose sur une déviation postérieure anormale de l’humeur aqueuse, qui migre dans le vitré au lieu d’atteindre la chambre antérieure. Cette accumulation crée une augmentation de pression intra-vitréenne, responsable d’un déplacement antérieur du diaphragme iris–cristallin, d’une chambre antérieure uniformément très réduite et d’une hypertension intraoculaire secondaire [2]. Il s’agit probablement de la forme de glaucome la plus courante chez le chat sénior vu en pratique générale [2].


Signes cliniques

Les signes apparaissent de manière insidieuse : mydriase aréflective, anisocorie, hyperémie épisclérale discrète, baisse progressive de la vision, et surtout chambre antérieure anormalement peu profonde – signe cardinal présent dans 100% des yeux dans l’étude de Czederpiltz [2].
La Pression Intra Oculaire est souvent élevée mais parfois modérément (12 à 58 mmHg dans la série rétrospective) [2]. Les lésions du fond d’œil incluent une neuropathie glaucomateuse avec hyperréflexion péripapillaire. Un remaniement notable du vitré, lié à l’accumulation d’humeur aqueuse, qui peut être identifiée en échographie [2].


Prédispositions raciales

Aucune race n’est clairement sur-représentée, même si la majorité des cas sont des Européens, reflet de la population féline réelle. En revanche, la prédisposition des femelles est fortement documentée : 24 femelles pour 8 mâles dans une étude (p = 0,005) [2], et 6 femelles sur 7 chats dans la série chirurgicale [1].
L’hypothèse admise : une chambre antérieure légèrement plus étroite chez les femelles, favorisant le blocage pupillaire.


Examens complémentaires

La biomicroscopie montre une chambre antérieure uniformément très réduite et un angle irido-cornéen ouvert mais souvent étroit. La tonométrie met en évidence une hypertonie souvent variable.
L’échographie est très utile: épaississement de la hyaloïde antérieure, poches hypoéchogènes dans le vitré correspondant aux accumulations d’humeur aqueuse, déplacement antérieur du cristallin [2].
La gonioscopie confirme un angle anatomiquement ouvert, ce qui aide au diagnostic différentiel avec les glaucomes à angle fermé primaires, très rares chez le chat.


Traitement

Le traitement médical vise à diminuer la production d’humeur aqueuse et à réduire la pression vitréenne, mais ses résultats sont souvent non satisfaisants: seuls 18 yeux sur 34 ont été contrôlés sous traitement topique dans une série [2].
Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (dorzolamide, brinzolamide) sont les plus efficaces. Les bêta-bloquants améliorent parfois la situation mais ne suffisent pas seuls. Les parasympathomimétiques présentent des effets secondaires notables avec une efficacité inconstante.
Un traitement plus récent, l’agoniste sélectif EP2 (omidenepag isopropyl), a permis dans un cas d’AHMS réfractaire de maintenir une PIO normale et une vision stable sur 245 jours, après échec des traitements conventionnels [3]. Cela en fait une option intéressante dans les formes persistantes malgré un coût élevé et un approvisionnement délicat.
Lorsque la pression n’est plus contrôlée médicalement, le traitement chirurgical devient la meilleure option : phacoémulsification associée à une capsulotomie postérieure, une vitrectomie antérieure et parfois une endocyclophotocoagulation. Dans la série d’Atkins, 7 yeux sur 9 sont restés normotendus les 6 premiers mois, et tous les chats étaient voyants à 1 an [1].


Pronostic

Non traité, l’AHMS évolue inexorablement vers la cécité glaucomateuse : dans la série rétrospective, 12 chats étaient déjà aveugles au diagnostic [2].
Le pronostic dépend de l’intégrité du nerf optique au moment de la prise en charge. Le traitement médical permet une stabilisation partielle dans environ la moitié des cas, tandis que la chirurgie offre les meilleures chances de maintien visuel durable [1].
Le contrôle précoce de l’inflammation, la surveillance rapprochée des pressions et l’intervention chirurgicale au bon moment sont déterminants pour éviter une perte visuelle définitive.


Références

  1. Atkins R.M. et al. Surgical outcome of cats treated for aqueous humor misdirection syndrome: a case series. Vet Ophthalmol, 2016.

    Veterinary Ophthalmology – 2016…

  2. Czederpiltz J.M.C. et al. Putative aqueous humor misdirection syndrome as a cause of glaucoma in cats: 32 cases (1997–2003). JAVMA, 2005.

    javma-javma.2005.227.1434

  3. Ahn J. & Jeong D. Clinical efficacy of a topical selective EP2 agonist in feline glaucoma unresponsive to conventional therapy. Vet Ophthalmol, 2025. (inclut un cas d’AHMS)