Toxicité rétinienne

Présentation

De nombreuses causes de rétinopathies toxiques sont décrites chez les carnivores domestiques. Nous ne retenons ici que celles susceptibles d’être rencontrées en clinique courante.

Le Colley à poil long et à poil court et d’autres races bergères peuvent présenter une mutation (du gène MDR-1 (Multi Drug Resistance-1), codant pour la glycoprotéine P dont la fonction est de pomper les molécules toxiques dans le tissu nerveux pour les rejeter dans le sang circulant (transporteur transmembranaire au niveau de l’endothélium capillaire) : mutée, elle est tronquée par un codon stop et n’est plus fonctionnelle. Les sujets homozygotes mutés sont très sensibles à l’ivermectine (seuil =100µg/kg) et aux avermectines, les hétérozygotes moins sensibles. L’ingestion accidentelle d’anthelminthiques pour grands animaux est une cause possible d’intoxication qui ne doit pas être négligée. Les signes cliniques sont nerveux : généraux polymorphes (tremblements, léthargie, coma) et oculaires (mydriase, cécité, œdème papillaire et rétinien vermiforme, décollements rétiniens).

L’intoxication à l’enrofloxacine (et potentiellement à d’autre fluoroquinolones) chez le chat peut entraîner une baisse d’acuité visuelle voire une cécité complète. Cette intoxication est rare (estimée à 0,0008% des sujets traités). Elle a été décrite chez des Européens à poil court âgés de 3 à 16 ans, qui avaient reçu des doses allant de 4,6 mg/kg/jour à 27 mg/kg matin et soir (RCP de spécialité : 5 mg/kg/jour). Les signes observés étaient une mydriase et une cécité très majoritairement non réversible, liée à une dégénérescence des photorécepteurs (signes d’hyper-réflexion focale puis généralisée de la zone du tapis, diminution du calibre vasculaire) et à une hypertrophie des cellules de l’épithélium pigmentaire (décoloration avec foyers hyperpigmentés de la zone sans tapis). Des effets dose-dépendants similaires ont été observés avec l’orbifloxacine, sans que l’usage des fluoroquinolones par voie générale chez le chat à une posologie conforme, voire supérieure aux RCP, n’ait permis de mettre en évidence de telles réactions ; cependant, il est indiqué dans les instructions d’usage de la marbofloxacine par voie générale chez le chat, que tout traitement doit être entrepris avec prudence, comme pour toutes les fluoroquinolones dans cette espèce.

Prédispositions raciales

Les races de l’effectif français les plus concernées par la délétion de l’exon 4 de MDR-1 sont, par ordre de fréquence décroissante : le Colley, les Bergers australien et américain, le Berger des Shetland, le Berger blanc suisse, le Berger anglais ancestral (Bobtail), le Border Collie.
Chez le chat, la sensibilité à l’enrofloxacine, considérée comme une idiosyncrasie d’espèce à défaut d’en savoir plus sur son origine, a été décrite chez l’européen à poil court mais peut concerner les autres races.

Techniques diagnostiques / examens complémentaires

Le diagnostic est fondé sur les observations des modifications du fond d’œil, les manifestations cliniques associées (cécité, signes nerveux) ainsi que sur le recueil des commémoratifs. L’électrorétinographie permet d’évaluer l’atteinte de la fonction des photorécepteurs. Le dosage sanguin de l’ivermectine peut être réalisé en laboratoire.

Traitement

Le traitement consiste en l’arrêt de l’exposition à l’agent et à un traitement en soins intensifs pour l’intoxication à l’ivermectine, dans laquelle la guérison avec récupération de la vision est la situation la plus fréquente. Les modifications rétiniennes liées à l’intoxication à l’enrofloxacine sont en général irréversibles : il est prudent d’inviter les propriétaires à consulter s’ils identifient une mydriase en cours de traitement.