I- INTRODUCTION
L’examen clinique de l’oeil constitue l’acte de base en ophtalmologie vétérinaire. Il peut à lui seul établir un diagnostic ou permet de parvenir à une suspicion diagnostique. Il doit dans ce cas être complété par des examens complémentaires appropriés.
L’importance de cet examen dépasse le cadre de l’ophtalmologie, puisqu’il peut trouver sa place également dans une consultation de médecine interne (l’oeil participe à de nombreuses maladies générales), ou s’inclure dans une consultation de neurologie (par le biais de la neuro-ophtalmologie).
-C’est un examen qui se fait selon une démarche logique et systématisée. L’utilisation d’une fiche d’examen codifiée permet d’en respecter tous les temps. De même, l’utilisation d’un matériel adapté est souhaitable.
L’approche clinique initiale se décompose en 5 étapes :
- l’analyse de l’anamnèse et des commémoratifs
- l’évaluation de la fonction visuelle
- l’examen à distance
- l’examen rapproché
- les examens spécifiques
Les objectifs de ce cours sont triples :
- Décrire les différentes phases de l’examen clinique de l’oeil (propédeutique)
- Analyser les renseignements fournis par chaque étape de cet examen (sémiologie)
- Préciser la terminologie des symptômes et des lésions qui peuvent être observés (sémantique).
Il- L’ANAMNESE ET LES COMMEMORATIFS
- L’anamnèse
Les renseignements portent sur l’espèce, la race, le sexe et l’âge. Il existe en effet des affections oculaires spécifiques au chat ou au chien et dont l’apparition peut être influencée par la race, le sexe ou l’âge de l’animal. Ces éléments épidémiologiques seront utilisés ultérieurement pour la synthèse diagnostique en association avec les informations fournies par l’examen clinique.
- Les commémoratifs
L’interrogatoire du propriétaire doit d’abord viser à définir le motif de la consultation. Il se réfère généralement à l’un des problèmes suivants :
- modification d’aspect de la région péri-oculaire ou de l’oeil
- apparition d’un écoulement anormal
- apparition d’une douleur oculaire
- constatation d’une douleur oculaire
- constatation d’une altération de la vision.
Lors de perte de la vision il faut faire décrire les manifestations sur lesquelles repose cette suspicion (animal qui butte sur les objets, qui se déplace avec précaution, … etc) et essayer de faire préciser l’importance du déficit : la cécité est la perte complète de la vision et l’amblyopie se définit comme la baisse de l’acuité visuelle (elle correspond donc à une perte partielle de la vision). En cas de déficit visuel il est également important de savoir si le trouble est plus marqué le jour. La nyctalopie correspond à la disparition de la vision diurne alors que la disparition de la vision nocturne est appelée héméralopie. Ces modifications de la vision diurne ou crépusculaire s’observent lors de certaines rétinopathies héréditaires. Dans certains cas, il peut y avoir association de plusieurs de ces problèmes.
– Les conditions d’apparition des symptômes doivent ensuite être définies : bagarre, accident, sortie à la chasse…
– La durée d’évolution du tableau clinique (aigu, sub-aigu ou chronique), sa vitesse d’évolution (rapidement ou lentement évolutif), voire son caractère récidivant seront précisés.
– Le questionnaire clinique s’intéressera aussi à la présence d’éventuels symptômes généraux ou extra-oculaires évoluant en parallèle et à l’existence possible d’antécédents pathologiques particuliers.
– Si l’animal est vu en consultation complémentaire, les traitements préalables seront notés, ainsi que la réponse à la thérapeutique (échec ou amélioration partielle).
III. EVALUATION DE LA FONCTION VISUELLE
- Observation du comportement visuel de l’animal
Elle correspond à l’observation des déplacements de l’animal en milieu inconnu et si possible dans des conditions différentes d’éclairement : pleine lumière et semi-obscurité. Pour cela, on laisse l’animal se mouvoir librement dans la salle d’examen puis on dispose divers objets (chaise, tabouret, poubelle…) et, avec la collaboration du propriétaire, on oblige l’animal à se déplacer parmi ces obstacles afin de juger s’il est capable de les éviter. Ce test peut être réalisé en occultant successivement chacun des yeux.
- Test de la boule de coton
Après avoir attiré le regard de l’animal sur la boule de coton que l’on tient à la main, cette dernière est lachée. S’il a une vision normale, l’animal suit du regard la chute de l’objet. Le test est réalisé pour chaque oeil, même si le trouble parait unilatéral.
- La réaction du placer visuel
Le placer visuel fait partie des réactions posturales qui sont étudiées au cours de l’examen neurologique. L’étude de cette réaction peut également être intégrée à l’examen ophtalmologique puisque son arc afférent met en jeu les voies de la vision.
L’animal, soutenu par l’examinateur, est approché de la table de consultation. Arrivé à proximité de la table il doit, sous le contrôle de sa vision, lever ses antérieurs pour les poser sur le rebord de la table.
La réalisation de cet examen doit se faire sans que l’animal touche la table avec un de ses membres avants. On provoquerait dans ce cas une réaction de placer tactile.
- La réponse de clignement à la menace
Elle exploite un réflexe de protection mis en jeu naturellement chaque fois qu’un objet s’avance rapidement en direction de l’oeil. Son arc afférent suit les voies visuelles et subit une intégration corticale. Elle n’est présente qu’à partir de 3 à 4 mois chez le sujet jeune. Elle n’est pas présente chez le lapin.
Réalisation : on provoque la fermeture réflexe des paupières en réalisant un geste brusque à une dizaine de centimètres de l’oeil. On prendra soin de réaliser au préalable une vérification de la motricité palpébrale, en effet, en cas de paralysie faciale (nerf cranien VII) le muscle orbiculaire ne pourra se contracter et on pourra, à tort, conclure à la cécité de l’animal.
- Les réflexes pupillaires photo-moteurs
Ils doivent être obligatoirement recherchés en lumière atténuée ou à l’obscurité et en utilisant une source d’éclairement suffisamment puissante (ex : tête d’otoscope ou mieux transilluminateur de Finoff).
Ils doivent être évalués successivement sur les 2 yeux.
L’observation des réflexes cons?ensuels2 perut nécéssiter la collaboration d’un aide.
IV- L’EXAMEN A DISTANCE
- Les conditions de sa réalisation
Il se fait en lumière artificielle pour les carnivores. Il faut disposer d’une salle d’examen bien éclairée. L’éclairage peut être équipé d’un variateur d’intensité.
L’examinateur se place d’abord face à l’animal pour faire un examen comparatif des 2 yeux et noter les différences qui sont apparentes. Il examine ensuite chacun d’eux séparément.
La tête du patient doit être immobiliséLpar un aide ou par l’examinateur lui même.
Ce temps de l’examen ophtalmologique s’intéresse systématiquement à l’existence éventuelle des modifications suivantes :
- écoulement oculaire anormal ?
- lésion de la région péri-oculaire et des paupières ?
- ouverture palpébrale agrandie ou diminuée ?
- déplacement de la membrane nictitante ?
- anomalie de taille, position ou direction des globes oculaires ?
- L’écoulement oculaire
L’observation montre si l’écoulement est uni- ou bilatéral et précise la nature de cet écoulement.
La nature de l’écoulement est le point de départ du raisonnement diagnostique.
- Les sécrétions muqueuses physiologiques
Les cellules caliciformes de la conjonctive produisent une sécrétion mucineuse qui sert à la formation de la couche mucineuse du film lacrymal. Ces sécrétions forment parfois de fins filaments translucides et collants qui s’accumulent dans le cul de sac conjonctival inférieur. Avec les clignements des paupières ils se collectent ensuite à l’angle interne de l’oeil et en se desséchant ils prennent un aspect blanchâtre. Ils sont particulièrement observés le matin au réveil et sont parfois confondus avec des écoulements purulents par le propriétaire.
- L’écoulement séreux : l’épiphora
Il réalise un larmoiement anormal, qui en se déversant au dessus du bord palpébral entraine la formation de coulées humides à l’angle interne de l’oeil. Lors d’épiphora chronique ces traces humides peuvent colorer les poils en marron.
L’épiphora est une manifestation courante en ophtalmologie et son observation doit conduire à raisonner sur la dichotomie suivante : s’agit-il d’un épiphora actif ou passif ?
- l’épiphora actif :
C’est un larmoiement excessif résultant du déclenchement du réflexe lacrymogène par un facteur d’irritation ou par une douleur oculaire. Les causes sont nombreuses et seront détaillées dans les cours de pathologie. Citons parmi les causes les plus fréquentes d’épiphora actif :
- les anomalies du bord palpébral (vices de position, cils anormaux)
- les corps étrangers sur la conjonctive ou la cornée
- l’inflammation ulcéreuse ou non de la cornée
- les uvéites
- le glaucome
- l’épiphora passif :
Dans ce cas la sécrétion lacrymale n’est pas majorée mais les larmes ne peuvent s’écouler normalement par leur voie de drainage. L’épiphora passif est donc révélateur d’un obstacle sur les voies lacrymales. On peut citer parmi les causes les plus fréquentes
- la non perforation du point lacrymal inférieur
- l’occlusion post-inflammatoire du point lacrymal et/ou du canalicule inférieurs
3- L’écoulement muco-purulent ou purulent : la chassie
Ce type d’écoulement se caractérise par la présence de filaments purulents ou jaune-grisâtre dans les cul-de sac conjonctivaux, à l’angle interne et sur le bord des paupières. Si les sécrétions sont abondantes et épaisses elles peuvent former des croutes en se desséchant sur le bord des paupières.
L’observation d’une chassie doit faire rechercher 2 types de processus pathologiques :
- une infection suppurée qui peut être soit une infection de surface (bord des paupières, conjonctive ou cornée) soit une infection des voies lacrymales.
- un déficit lacrymal. Chez le chien, la sécheresse oculaire (kérato-conjonctivite sèche) s’accompagne d’une chassie épaisse, collante et parfois abondante. Cet élément clinique est beaucoup moins marqué, voire absent, pour la kératoconjonctivite sèche du
- Modifications péri-oculaires et du tégument palpébral
Les lésions observées peuvent révéler l’existence de modifications cutanées ou sous-cutanées, au voisinage de l’oeil
- plaie
- inflammation péri-oculaire ou palpébrale (blépharite)
- oedème (ex : traumatisme, hypersensibilité type 1 …)
- alopécie (ex : démodécie, gale…)
- ulcération (ex dermatose auto-immune …)
- néoformation (ex : chalazion, tumeur …)
- Taille et forme de la fente palpébrale
1- Etat normal
En position d’ouverture, le bord libre des paupières s’écarte en amande pour découvrir la plus grande partie de la cornée, affleurant le limbe dans ses parties supérieure (12h) et inférieure (6h). Les deux angles forment les commissures dont l’externe est plus aiguë que l’interne.
Cette position d’ouverture harmonieuse résulte d’une part de l’équilibre dynamique entre la tension du muscle orbiculaire et celle des muscles releveurs de la paupière supérieure et d’autre part de l’effet mécanique exercé par le globe oculaire sur les deux paupières.
- Modifications
- Absence d’ouverture palpébrale après 2 semaines chez le chiot ou le chaton ankyloblépharon (soudure congénitale du bord palpébral)
- Rétrécissement de la fente palpébrale :
- par blépharospasme : rapprochement des paupières par contraction spasmodique du muscle orbiculaire des paupières. Le plus souvent, il s’agit d’un blépharospasme réactionnel (blépharospasme réflexe) à une douleur oculaire. Plus rarement, il résulte d’une irritation du nerf facial (hémispasme facial).
- par ptose palpébrale (blépharoptose) : c’est un abaissement de la paupière supérieure qui peut résulter :
– soit d’une paralysie des muscles releveurs de la paupière : lésion du sympathique (syndrome de Claude Bernard-Horner) ou lésion du III
– soit d’un défaut d’appui par le globe oculaire qui peut être diminué de taille (microphtalmie ou phtisie) ou reculé dans l’orbite (énophtalmie)
2.c. Elargissement de la fente palpébrale
Les paupières sont tenues plus écartées que normalement et leur occlusion complète peut être impossible : il y a une lagophtalmie.
L’observation d’un tel symptôme doit faire envisager 2 éventualités :
- la paralysie du muscle orbiculaire : lagophtalmie paralytique
- l’existence d’une cause mécanique, qui peut être :
– soit une augmentation de volume du globe oculaire (hydrophtalmie)
– soit un déplacement antérieur du globe oculaire (exophtalmie)
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- Membrane nictitante
1- Etat normal
Sa position ne laisse voir que son bord libre dans l’angle interne. Cette position est maintenue par la tension des muscles lisses qui se trouvent à sa base et par la pression exercée par le globe oculaire. Le bord libre est habituellement pigmenté et se confond avec la couleur du bord de la paupière inférieure
- Le défaut de pigmentation du bord libre
Elle se rencontre à l’état normal et peut être uni- ou bilatérale. Elle est parfois prise pour un symptôme de conjonctivite par le propriétaire de l’animal.
- Anomalie de position : la procidence de la membrane nictitante
Elle se caractérise par un déplacement dorso-latéral de la membrane nictitante qui recouvre partiellement la cornée. Elle peut être uni- ou bilatérale. Lorsqu’elle est bilatérale et marquée elle entraine unegêne visuelle.
L’observation d’une procidence doit conduire le clinicien à envisager 3 cas de figure
- une possible origine nerveuse qui correspond à une paralysie et un relâchement des muscles lisses qui « abaissent » la membrane nictitante (ex : syndrome de Claude Bernard-Horner.
- ou 2 causes mécaniques possibles :
- soit par un défaut d’appui du globe oculaire, parce qu’il est soit diminué de taille (microphtalmie ou phtisie) soit reculé dans l’orbite (enophtalmie)
- soit par un déplacement dû à l’existence d’une tumeur rétrobulbaire. Dans ce cas, la procidence est associée à une exophtalmie et parfois à un strabisme divergent.
- Néoformation en rapport avec la membrane nictitante
La présence d’une masse dans l’angle interne évoquera selon sa taile, sa couleur et sa disposition par rapport à la membrane nictitante la possibilité d’une luxation de la glande lacrymale de la membrane nictitante, d’un granulome ou d’une tumeur de la membrane nictitante.
- Globe oculaire
L’estimation de sa taille et de sa position doit se faire par une inspection de face, latérale et de dessus.
La position du globe oculaire et la direction de son axe optique sont influencées par les modifications de volume des tissus contenus dans la cavité orbitaire.
1- Modification de la taille
- Diminution de taille : elle s’accompagne d’une ptose palpébrale et d’une procidence de la membrane nictitante :
– origine congénitale : microphtalmie
– origine acquise : phtisie du globe
- Augmentation de taille : elle s’accompagne d’un élargissement de l’ouverture palpébrale, d’un bombement de la paupière supérieure et d’une lagophtalmie :
– constitutionnelle : macrophtalmie
– acquise : hydrophtalmie voire buphtalmie
2- Modification de la position
La position du globe oculaire dans l’orbite est influencée par le tonus des muscles rétracteurs du globe et par le contenu orbitaire.
- Enophtalmie : recul du globe oculaire dans la cavité orbitaire.
- active : par contraction du muscle rétracteur du globe (ex : enophtalmie associée à la douleur oculaire)
– passive : par diminution de volume du contenu orbitaire (ex – déshydratation, amaigrissement)
- Exophtalmie: saillie partielle du globe oculaire hors de l’orbite.
Ce déplacement antérieur est la conséquence d’une pression exercée sur le globe par suite d’une augmentation de volume du contenu orbitaire (ex : tumeur ou abcès rétrobulbaire) ou de celle de la paroi non osseuse (ex : myosite des masticateurs) ou osseuse (ex: tumeur osseuse) de l’orbite .
- Luxation du globe (proptose) : protrusion du globe en dehors de la cavité orbitaire. Son origine est toujours traumatique.
- Modification de direction
Une déviation de l’axe optique réalise un strabisme convergent ou divergent. Elle peut être congénitale ou acquise.
- strabisme congénital : convergent chez le chat siamois le plus souvent; divergent chez les races brachycéphales
- strabisme acquis : soit par rupture traumatique d’un des muscles oculomoteurs (le plus souvent il s’agit du droit interne), soit par existence d’une lésion rétro- Dans ce dernier cas, le strabisme s’accompagne habituellement d’une exophtalmie et parfois d’une procidence de la membrane nictitante.
- Mouvements anormaux des globes
Le nystagmus : oscillations involontaires rythmiques et conjuguées des globes oculaires. Il s’observe lors de syndrome vestibulaire.
C’est à la fin de l’examen clinique à distance que doivent être réalisés des examens complémentaires comme le test de Schirmer ou les écouvillonages cornéens ou conjonctivaux pour la bactériologie. Ils doivent en effet être effectués avant toute instillation (ex: anesthésique local, colorant …) qui pourrait modifier leur résultat.
V- L’EXAMEN RAPPROCHE
- Les conditions de sa réalisation
L’examinateur doit s’aider d’une source lumineuse d’appoint, focalisée et suffisamment puissante (ex : tête d’otoscope, transilluminateur de Finoff ou lampe frontale) et d’un système grossissant (ex : loupe frontale). La synthèse de ces caractéristiques est réalisée de façon optimale par le biomicroscope (lampe à fente). Il est indispensable que la tête de l’animal soit maintenue par un aide.
Même si l’affection oculaire est unilatérale, on doit toujours réaliséq un examen successif des 2 yeux.
Les paupières ou le globe seront manipulés avec les précautions nécéssaires et une anesthésie locale sera faite lors de douleur occasionnant un blépharospasme important.
- Inspection du bord palpébral
On doit rechercher principalement 2 types d’anomalies : une modification de position du bord libre ou la présence d’un élément anatomique anormal.
Modification de position
– entropion : enroulement du bord palpébral et parfois du revêtement cutané palpébral vers l’intérieur
– ectropion : éversion de la paupière inférieure
Elément anormal
– néoformation : chalazion, tumeur
– cil(s) ectopique(s) : distichiasis
- Inspection de la conjonctive
Muqueuse oculaire la plus externe, elle se prête facilement à l’examen clinique. Sa partie bulbaire et sa partie palpébrale devront être systématiquement étudiées. A l’état normal, la conjonctive a un aspect lisse et rosé et ses vaisseaux ainsi que les vaisseaux sous-jacents sont visibles par transparence. La conjonctive bulbaire glisse librement sur la scière. Certaines altérations sont facilement reconnues à l’oeil nu. Parmi celles-ci figurent :
Les modifications de couleur
- la rougeur : c’est un symptôme fréquent en clinique. Il est important à considérer et à analyser selon son aspect et sa localisation. Il est d’abord important de différencier la rougeur par hyperhémie de celle par hémorragie. En présence d’une rougeur par hyperhémie, on doit s’attacher à rechercher si cette modification siège dans la conjonctive ou dans un plan plus profond. La différenciation entre rougeur conjonctivale et rougeur épisclérale est essentielle pour l’interprétation sémiologique. La première est un élément des conjonctivites alors que la seconde s’observe lors d’uvéite, de glaucome et de sclérite.
– ictère, paleur et cyanose
Les modification de relief
– par un épaississement oedèmateux : le chemosis
- par des lésions localisées qui se traduisent par des surélévations de la muqueuse. Elles peuvent prendre la forme de follicules ou de papilles.
- Inspection de la membrane nictitante
Aspect de la face externe (face palpébrale)
Une légère pression sur le globe oculaire, à travers la paupière supérieure, permet de faire saillir la membrane nictitante et d’examiner sa face antérieure. Les modifications les plus habituelles sont liées à l’inflammation de cette muqueuse.
Aspect du bord libre
- possibilité d’éversion par retournement du cartilage
- possibilité d’épaississement et de remaniement inflammatoire ou néoplasique
- possibilité de déchirure par traumatisme
Examen de la face interne (face bulbaire)
Après anesthésie locale, réversion de la membrane nictitante se fait à l’aide d’une pince chirurgicale (ex : pince de Graefe) ou d’un coton tige. A l’état normal, des follicules lymphoides de petite taille sont observés au centre de la face postérieure.
Les lésions les plus habituelles sont représentées par :
– l’hyperplasie des follicules lymphoïdes (conjonctivite folliculaire)
– la présence d’un corps étranger
L’examen de la face postérieure de la membrane nictitante permet également de confirmer une luxation de la glande lacrymale de la membrane nictitante.
- Inspection de la cornée
A l’état normal la cornée est un dioptre convexe de courbure régulière, de surface lisse et brillante et d’aspect transparent. Des modifications en rapport avec ces propriétés physiques sont à rechercher systématiquement.
Modification de la transparence
- par la présence d’une opacité blanchâtre (un leucome). Cela doit conduire le clinicien à faire la différence entre :
- une cicatrice /
- un oedème
– une surcharge : dystrophie ou dégerescence
- par la présence d’un tissu inflammatoire de couleur rosé
- par la présence de néovaisseaux qui forment un réseau plus ou moins dense (le pannus). La démarche est alors de rechercher s’il s’agit de vaisseaux superficiels ou Les paramètres de cette identification ainsi que l’interprétation sémiologique qui en découkeseront étudiés dans le cours de sémiologie cornéenne.
- par la présence d’une pigmentation, qui doit amener à faire la différence entre :
- un tissu néo-formé superficiel et pigmenté (ex : kératite chronique)
- une dystrophie pigmentée (ex : oeil sec)
- une nécrose cornéenne chez le chat (séquestre cornéen félin)
Perte de l’aspect brillant
Elle peut être localisée ou généralisée. Elle traduit une disparition du film précornéen par desséchement. C’est un syndrome précoce de l’insuffisance lacrymale (kératoconjonctivite sèche) et de la kératite d’exposition qui accompagne les lagophtalmies.
Modification du relief et de la courbure
- envahissement par un néo-tissu superficiel (ex : kératite)
- oedème cornéen chronique (kératopathie bulleuse)
- kératocône : altération de la convexité de la cornée qui prend une forme conique
F- Inspection de la chambre antérieure
Modification de sa transparence
- par un épanchement d’aspect blanchâtre :
- hypopion ou hypopyon : collection fibrineuse ou purulente dans la chambre antérieure
- épanchement lipidique : associé à certains états d’hyperlipidémie
- par un épanchement de couleur rouge plus ou moins intense et qui traduit la présence de sang : hyphéma ou hypohéma
Modification de sa profondeur
Elle peut être appréciée par examen latéral avec un éclairage focalise. L’utilisation d’une fente lumineuse permet toutefois une meilleure appréciation de ce paramètre.
Une inégalité de profondeur peut se matérialiser par un plan irien plus avancé ou plus reculé dans un secteur. Ce symptôme peut être relié à :
– une sub-luxation du cristallin
– une tumeur du corps ciliaire
Une augmentation de profondeur de la chambre antérieure se traduit par un plan irien reculé et plat voire légèrement concave. Cela témoigne soit d’un déplacement postérieur (luxation postérieure) du cristallin ou de son absence (aphakie ou aphaquie). Cette modification s’accompagne d’un iridodonésis et d’une absence des deuxième et troisième images de Purkinje-Sanson (voir plus loin).
G- Inspection de l’iris et de l’ouverture pupillaire
La couleur de l’iris
Normalement les 2 iris ont la même coloration. Lorsque les 2 iris sont de couleur différente il y a hétérochromie. On qualifie aussi cette dissemblance en parlant d’yeux vairons. L’absence de pigmentation sectorielle ou diffuse de l’iris donne une couleur bleu pâle. Elle peut être uni- ou bilatérale et elle est fréquemment associée à certaines couleurs de robe chez le chien (ex : merle ou arlequin).
On peut constater le développement de lésions pigmentées :
– séquelle d’uvéite
– macules pigmentées dues à l’âge
– mélanome
Les modifications de la topographie iriennne
Elles peuvent être constitutionnelles ou acquises. Les premières constituent les malformations congénitales. Les plus rares sont l’aniridie (absence d’iris) et le colobome (fente radiaire). La persistance de la membrane pupillaire est en revanche assez commune. Elle se caractérise par la présence de filaments partant de la collerette de l’iris.
Les modifications acquises qui peuvent modifier l’aspect de l’iris sont nombreuses. Citons :
- les synéchies
- l’atrophie de l’iris
- la néovascularisation (rubéose de l’iris)
Le tremblement de l’iris ou iridodonésis
A l’état normal, l’iris s’appuie par sa partie pupillaire sur la face antérieure du cristallin. Lorsque ce dernier est partiellement détaché ou luxé dans le vitré, la perte de contact entre l’iris et le cristallin se traduit par l’apparition d’un fin tremblement de l’iris lorsque l’oeil bouge.
Anomalie de l’ouverture pupillaire
A l’état normal, le diamètre pupillaire des 2 yeux est le même et varie en fonction des conditions d’éclairement.
- le myosis correspond au rétrécissement de la pupille et apparait lors d’éclairement de l’oeil
- la mydriase correspond à la dilatation pupillaire et se matérialise à l’obscurité
- l’anisocorie se caractérise par une différence entre les 2 diamètres pupillaires. Devant une telle anomalie, la démarche vise dans un premier temps à déterminer l’oeil atteint et donc à définir s’il s’agit d’un myosis ou d’une mydriase anisocorique. Pour cela il faut étudier la réponse pupillaire des 2 yeux à l’éclairement et à l’obscurité.
Opacité dans l’ouverture pupillaire
L’existence d’une opacité blanche dans l’aire pupillaire définit la leucocorie. Elle se rapporte au développement d’une cataracte ou d’une sclérose cristallinienne.
- Examen du cristallin
L’examen du cristallin doit se faire après dilatation pupillaire et son observation dans des conditions optimales demande l’utilisation du biomicroscope. Son étude clinique proprement dite n’appartient pas à cette partie clinique de l’examen oculaire et elle sera détaillée dans le cours sur la biomicroscopie. L’étude du cristallin peut néanmoins être abordée dans ce temps de l’examen oculaire par la recherche des images de PurkinjeSanson.
Recherche des images de Purkinje-Sanson
En chambre noire, une source lumineuse (ophthalmoscope, transilluminateur) placée devant un oeil donne naissance à 3 images dans l’ouverture pupillaire. Ces images se forment sur les 3 dioptres de l’oeil :
- la cornée : elle donne la 1 ère image, ponctuelle et très brillante.
- la cristalloïde antérieure : donne la 2ème image, située 2 à 3 mm en arrière de la première. Sa luminosité est plus atténuée que la première image.
- la cristalloïde postérieure : donne la 3ème image, la moins brillante des 3 mais dont la surface est légèrement plus grande que la projection de la 2ème image.
Les deux premières sont des images droites se déplacant dans le même sens que la source lumineuse, alors que la troisième est une image renversée se déplacant en sens inverse des 2 premières.
Les modifications observables en clinique, peuvent être :
– la disparition de la 3ème image : opacification des masses cristalliniennes
– la disparition des 2ème et 3ème images : luxation postérieure du cristallin ou aphakie.
- Localisation des opacités oculaires
Opacités fixes
Les opacités de la cornée ou du cristallin sont fixes et ne se déplacent qu’avec les mouvements de l’oeil, et dans la limite de ces derniers. Leur localisation peut se faire de 2 manières :
- à partir de leurs mouvements lors des déplacements de l’oeil :
Les opacités de la cornée et de la cristalloïde antérieure se déplacent dans le même sens que l’oeil. En revanche, les opacités cristalliniennes situées dans le cortex postérieur ou sur la cristalloïde postérieure ont un mouvement inverse de celui de l’oeil.
- à partir de leurs mouvements lors des déplacements de l’observateur :
Cette méthode se base sur l’effet de parallaxe qui se matérialise par un changement de la position apparente de l’opacité par rapport à l’aire pupillaire lorsque l’examinateur se déplace. Ainsi, une opacité qui se trouve à la hauteur du plan pupillaire (opacité nucléaire du cristallin) ne change pas sa position par rapport à l’aire pupillaire lorsque l’examinateur se déplace vers le haut ou le bas. Les opacités situées en avant du plan pupillaire (opacités de la cornée) se déplaceront, par rapport à l’aire pupillaire, en sens inverse du déplacement de l’observateur. A l’opposé, les opacités de la capsule et du cortex postérieurs du cristallin, qui se trouvent en arrière du plan de l’iris, auront un déplacement daloraire pupillaire, qui suivra celui de l’observateur.
Opacités mobiles ou flottantes
Le principe de parallaxe s’applique aussi aux opacités mobiles et flottantes, localisées à la chambre antérieure ou au vitré. Toutefois, celles-ci bougent avec les mouvements du globe et continuent de se mouvoir lorsque l’oeil s’immobilise. Cette caractéristique permet d’affirmer que leur siège est un milieu liquide ou semi-liquide.
Utilisation de la fluorescéine en ophtalmologie vétérinaire
Introduction
La fluorescéine est une substance hydrophile qui émet une fluorescence verte lorsqu’elle est excitée par les ultraviolets, il est ainsi préférable de l’observer à l’aide d’une lumière bleue. Elle est principalement utilisée pour diagnostiquer les ulcères cornéens mais on peut l’utiliser à d’autres fins.
1/ Diagnostic des ulcères :
De par ses propriétés hydrophiles, la fluorescéine fixe le stroma de la cornée permettant ainsi de révéler des lésions ulcératives qui pourraient passer inaperçues à l’œil nu que ce soit par leur faible épaisseur ou leur localisation.
Attention, dans le cas de lésions très profondes prédescemétiques, la fluorescéine ne soulignera pas le fond de l’ulcère puisque la couche la plus interne de la cornée (la membrane de descemet) est hydrophobe. Un autre piège à éviter concerne la fixation de la fluorescïne sur les granulomes cornéens qui sont hydrophiles pouvant ainsi faussement faire penser à un uclère.
2/ Evaluation de la qualité du film lacrymal précornéen (FLP)
Le « Break Up Time » ou temps de rupture lacrymale permet d’évaluer la résistance de la phase aqueuse du film lacrymal à l’évaporation. Après avoir appliqué et étalé une goutte de fluorescéine, les paupières sont maintenues ouvertes et on observe l’étalement complet de la fluorescéine sur la surface cornéenne. La couche doit rester uniforme pendant au moins 15 secondes. A défaut cela peut révéler une déficience de la phase lipidique du FLP. Ce test est à utiliser lors de suspicions de kératite sèche.
3/ Evaluation d’une perforation oculaire
Le signe de Seidel permet de déceler une perforation cornéenne en soulignant l’issue de liquide de la chambre antérieure vers l’extérieur. En cas d’effraction cornéenne on pourra distinguer une zone où la fluorescéine est « lavée » par l’humeur aqueuse sortant de la brèche cornéenne à la manière d’une cascade.
4/ Evaluation de la perméabilité des voies lacrymales
La diffusion de la fluorescéine après instillation oculaire jusqu’aux narines ou à la cavité buccale permet d’apprécier la perméabilité des voies lacrymales.
Attention l’absence immédiate de fluorescéine dans les cavités nasales ou buccales ne permet pas de conclure automatiquement à un trouble de la perméabilité lacrymale… le passage de la fluorescéine peut mettre jusqu’à 20 minutes et il n’est pas rare qu’elle soit déglutie par l’animal.
La fluorescéine présente de nombreux intérêts dans l’examen ophtalmologique et permet, par une mise en œuvre simple en pratique vétérinaire, d’objectiver certaines pathologies oculaires.